Michel s’en est allé, discrètement, comme il a toujours vécu. Le moteur de son Amilcar préférée, le tandem CGS blanc, qu’on imagine retrouvé pour la circonstance, aura toussoté une dernière fois, expiré un léger souffle de vapeur presque blanche, comme il sied à un carburateur bien réglé ; la caisse pimpante, façon carlingue d’un biplan de la route, aura esquissé quelques vibrations et tous deux, le pilote et son pittoresque bolide, auront pris un dernier départ, sans crissement de pneus ni tonitruance spectaculaire, sur une de ces petites routes de notre réseau secondaire, si accueillantes aux cyclecaristes, sur un itinéraire secret et pour une destination inconnue des cartes papier et des GPS, mais dont on sait seulement qu’elle est sans retour .
Discrétion, pudeur, modestie, gentillesse, égalité d’humeur, bienveillance souriante et dévouement sans faille, toutes ces qualités qui ont toujours caractérisé Michel ne simplifient pas nécessairement l’établissement de sa notice : avec lui, pas de séquences spectaculaires soulignées en rouge dans les souvenirs, pas le moindre éclat de voix, jamais le moindre accès de colère ou même d’énervement, autant d’aspérités où il serait commode de s’accrocher mais qu’ il faut renoncer à trouver sur la paroi, ici toute lisse, de notre mémoire .
Pour autant cette urbanité ô combien consensuelle n’était pas
exempte de fermeté et de détermination :
ce Président savait
très précisément mettre en œuvre ses convictions, voire sa
doctrine de tout ce que requérait l’intérêt du Cercle Pégase et
la défense de la marque Amilcar. Ceux d’entre nous à qui était
échue la tâche d’organiser des manifestations savent quels
contrôles minutieux il exerçait, personnellement et sur le terrain,
des livres de route, itinéraires, kilométrages, hébergements,
arrêts casse-croûte et restaurants, sans oublier les budgets et son
souci de rendre ceux-ci accessibles à tous, notamment avec les
inscriptions « à la carte », pourtant plus difficiles à
gérer. Cette fermeté dans les décisions, liée au souci de faire
plaisir autant qu’il est possible à l’interlocuteur, c’est ce
qu’on appelle … la Diplomatie, qualité essentielle pour un
dirigeant d’une collectivité comme la nôtre.
Il faut dire qu’il avait de la bouteille notre Président-Mimi, et pas seulement par l’effet de son installation depuis de longues années, lui l’enfant des Ardennes, au cœur du vignoble bourguignon. Sauf erreur, ce serait à l’Assemblée générale du Cercle, le 3 avril 1982 à Briare, qu’il aurait accédé à la présidence, adoubé par son mentor le bon Docteur Hubert LEULIER alias Doudou, lequel, désireux de lever le pied, s‘était quand même réservé les responsabilités de Secrétaire et de Trésorier (d’où cette peu commune disposition des statuts, découverte à l’établissement de cette notice, faisant du Secrétaire « assisté du Président » … le représentant de l’association dans les actes de la vie civile).
C’est au sein du GAVAP, qu’il présidait en la bonne ville de Laon, que Doudou avait rencontré celui qui deviendrait son disciple et à qui il prêtait volontiers l’une de ses Amilcar (notamment le pittoresque C4 « Bidon », rescapé de l’attraction foraine du Mur de la Mort). Praticien visionnaire, à l’égal d’un Pasteur ou d’un Jenner, le Docteur Doudou avait donc délibérément inoculé à son patient le virus de l’Amilcarinite, non pour le prémunir de cette affection mais pour qu’il puisse l’incarner avec bonheur, à tout jamais. Traitement audacieux, à l’efficacité plus avérée que l’hydroxychloroquine marseillaise, se traduisant pour Michel par quarante-trois ans de Présidence ininterrompue du Cercle Pégase Amilcar, un record à faire pâlir d’envie Poutine et quelques autres.
Tout ceci en parallèle avec d’autres affiliations cyclecaristes et para-cyclecaristes, notamment à l’Écurie des Trapadelles (dont les archives gardent trace de ses équipées, en tandem avec son co-pilote préféré Jean-François Morisseau, à Berlin et à Prescot en 1999) et au Club Bugatti France, au titre de son Brescia, club aux assemblées générales du quel on n’a jamais pu l’attirer pour y recevoir l’ovation que tous lui réservaient.
C’est également dans la plus grande discrétion et avec des précautions dignes de la protection du secret-défense que Michel, en marge de ses responsabilités associatives, s’attaqua, de concert avec Alain Gallego et Laurent Descubes, au Grand-Œuvre dit du « remontage » - admettons cet euphémisme - du mythique C 6, Graal absolu de l’Amilcarisme militant. Ce chantier, mené de 2000 à 2018 atteignit son terme avec succès.
Las ! une fois la bête achevée, mise au point et devenue viable, il restait à la piloter, à la maîtriser et … à pouvoir s’en extraire, tâche ardue, voire douloureuse, pour celui que la maladie avait commencé à persécuter. On a cru comprendre qu’il ne l’aurait vraiment pilotée qu’une seule fois, ne réalisant son rêve en ne dansant avec sa belle qu’un seul été, à l’instar de son copain Jacques Potherat réduit aux seules lignes droites d’un trajet unique, depuis le "Rosbifland ‘’, au volant de la Bentley 4,5 Litre Le Mans à compresseur qu’il venait d’acquérir !
Car la maladie est là, de plus en plus torturante, face à laquelle il s’impose d’autant plus de pudeur et de discrétion. Il faut lire entre les lignes l’histoire « cyclecariste » de ce calvaire,
relever les manifestations où il n’apparaît plus que comme navigateur de Jean-François, son complice de toujours (mais avec qui il n’était pas « en couple » ainsi que l’avait découvert un anglais médusé d’apprendre qu’Inès était sa fille),
se remémorer les rencontres (il ne faut surtout pas dire « rallyes ») suivies avec dévouement au volant d’un triste fourgon VW, pour le transport des pièces de la bourse du samedi mais plus ménager de ses vertèbres,
évoquer avec respect ses participations, toujours avec Jean-François, aux raids en Cornouilles britanniques et à Prescot, encore en 2024,
comprendre son absence des dernières années sur les stands des salons, là ou l’air est rare et le poumon exposé, pour qui éprouve de graves difficultés respiratoires, qui plus est en période de pandémie,
revivre ces échanges où Michel s’exprimait avec des phrases au souffle court, entrecoupées de brèves toux sèches vite évacuées par lui comme anecdotiques, entre deux sourires, mais si préoccupantes pour l’interlocuteur,
confesser le quasi soulagement à avoir cru comprendre et voulu espérer que sa récente hospitalisation ne serait due « qu’à » un accident de la circulation et non à une évolution de la maladie, alors que les deux causes se sont combinées pour l’affaiblir davantage,
avoir compris que sa toute récente démission de la présidence du Cercle, à quelques jours de la Rencontre de Castres, édition 2025 de la grand-messe amilcariste annuelle, était un signal plus qu’alarmant de son état d’épuisement,
avoir reçu enfin le choc de la terrible nouvelle, alors qu’on pouvait espérer qu’une fois encore, contre toute raison, il allait pouvoir s’en sortir.
C’est que Michel trouvait dans la présidence du Cercle Pégase Amilcar et son dévouement au service du rayonnement de la Marque qui nous rassemble et de toute la communauté Amilcariste, une véritable potion magique, un antidote à tous ses maux, une assurance pour continuer, pour quelques tours de plus mais toujours avec la même modestie, la ronde vertigineuse de la vie sur les planches de la piste en tonneau de la baraque du Mur de la Mort.
Depuis quelques jours, en démissionnant, il avait en quelque sorte interrompu son traitement, refusé l’acharnement thérapeutique de responsabilités en passe de devenir déraisonnables, ne conservant un tout dernier souffle que pour son dernier voyage.
Adieu, Notre Président, Notre Ami
Marie-Claude, Inès merci d’avoir si bien veillé sur lui : nous continuerons à travers vous à lui manifester notre affection.
Mimi Président d’Honneur un Jour, Mimi Président d’Honneur Toujours !
25 Juin 2025
Rémi CRAUSTE (Barde Empêché)
Permettez-moi
d’ouvrir cette assemblée générale par quelques mots qui nous
tiennent tous à cœur.
Mercredi Michel
est parti vers
sa dernière demeure
Michel, tu étais bien plus qu’un président :
le gardien de l’esprit du Cercle
Pégase Amilcar, digne héritier
de Doudou fondateur visionnaire pour
les Amilcar.
Pendant
plus de quarante ans,
tu as dirigé avec DISCRETION,
avec clairvoyance, avec DIPLOMATIE
tranquille qui t’étaient propres — toujours attentif : tout
voir, tout prévoir, toujours prêt à corriger la trajectoire…
mais avec tact : jamais dominateur.
Ce
style, c’était le tien. Ce respect, tu l’inspirais ;
Ton exigence mesurée, ta bienveillance, ton fameux clin d’œil et ton petit sourire complice qui venaient clore les discussions restent gravés dans nos mémoires.
Fin
gourmet, tu savais que la
convivialité passait aussi par un bon repas et le plaisir du
vin,
que tu aimais partager avec
ton AMI Jean-François. Que
de km avez-vous fait ensemble pour rapporter des produits régionaux,
de France et d’ailleurs.
Et
puis, ton courage silencieux.
Michel tu étais aussi un homme de
pudeur.
Tu as porté ta maladie
comme tu as vécu
: en silence, avec dignité,
préférant
offrir tes sourires que tes inquiétudes.,
préférant la joie
des retrouvailles à la pesanteur des aveux.
Tu as préféré les moteurs
qui tournent aux discours larmoyants.
Jusqu’au bout, tu es
resté fidèle à ton style : discret, bienveillant, humain.
Aujourd’hui,
ton souvenir est partout : anecdotes, souvenirs des sorties,
les histoires racontées au coin ‘’d’un moteur’’, et
dans chaque silence partagé entre passionnés.
Ton
souvenir habite désormais chaque instant de notre vie associative.
Le Cercle Pégase Amilcar te
doit une part de son âme.
Tu
es parti rejoindre Doudou et Gilles,
Thomas ,les 2 Bernard ,
Eliane…triste année
Merci pour ta BIENVEILLANCE, ta PASSION contagieuse, Ta DIPLOMATIE, ta PRESENCE. Adieu Michel
MU
Nous
venons de perdre un ami,
Notre président admiré est
décédé.
Pour beaucoup, il était la lumière dans la
nuit,
Toujours dévoué et d’une redoutable efficacité.
Fidèle
à toi-même, en toute discrétion, tu es parti.
Bien sûr, tu
vas beaucoup nous manquer.
Tu roules certainement déjà au
paradis.
Nous allons tenter de suivre le chemin que tu as
tracé,
Reconnaissants pour la masse de travail accompli.
La
vie du club que tu as porté doit continuer.
Et pour tout ce que
tu nous as donné,
Nous te disons merci l’ami.
Guy Clavel.