Le virus de l'Amilcarinite

par Hubert Leulier

Un jour de 1977, du côté de Vaucelles et Beffecourt dans l'Aisne, un éminent spécialiste des maladies du cambouis et des troubles de l'arbre à cames, le Docteur Hubert Leulier, parvint à isoler un virus qui faisait déjà des ravages dans les rangs des conducteurs : le CC-CGSS à molécule de compound, M et C6. Hélas trop tard... Le docteur lui-même était atteint de la maladie.

Plutôt que de tenter de la guérir, il s'efforça donc de la propager. Le résultat dépasse aujourd'hui toutes ses espérances. Jamais, le savant de Vaucelles (que ses disciples surnomment "Doudou") n'aurait imaginé inoculer son virus à tant de passionnés d'automobile ancienne. Au point qu'il fut obligé, cette même année 1977, de les réunir au sein d'un club, Le Cercle Pégase Amilcar.

Quant à la maladie mieux vaut, comme tous ceux qu'elle a atteint, l'entretenir à l'huile de ricin, aux inhalations de super, au champagne et au beaujolais. Une seule certitude : cette étrange maladie, baptisée Amilcarinite par le Docteur Doudou est terriblement contagieuse...

Fallait-il soigner l'Amilcarinite ?

Communication du Docteur Doudou au congrès des PIDTVIPLA (Porteurs Incurables du Terrible Virus Inoculé par les Amilcars).

Cette maladie, d'origine virale, tout d'abord aiguë, ne tardant pas à devenir chronique fut décrite pour la première fois vers les années 1920 par un certain AMILCAR qui en découvrit et classa les premiers symptômes.

Cette maladie frappe, le plus souvent de manière subite, les hommes de préférence, aussitôt leur adolescence, quelquefois plus tard, mais de toutes façons avant la cinquantaine, et laisse ses séquelles indélébiles, heureusement non invalidantes.

Signes cliniques...

Cette maladie se caractérise principalement par une altération du jugement. Le sujet atteint ne s'attache qu'à un type de moyen de locomotion, du genre automobile, dont les pièces sont elles aussi frappées par le virus AMILCAR (on les reconnaît assez facilement, le virus laisse une cicatrice en forme de cheval ailé stylisé).

Le patient ne vit plus que pour son virus et lui consacre la plus grande partie de ses loisirs, comme s'il cherchait tous les moyens pour ne pas s'en débarrasser ! Et son jugement est à ce point altéré que seules les automobiles porteuses du Virus sont dignes d'un intérêt.

Ce qui ne facilite pas la tâche des chercheurs, c'est que le Virus se présente sous diverses formes voisines. On en a dénombré jusqu'à ce jour une vingtaine que voici énumérées dans l'ordre de leur découverte : CC, CS, C4, CGS, CGSS (un des plus tenaces), G, L, M, E, J, M2, M3, M4, C3, C5, CO, C6, MCO (ces trois dernières peuvent entraîner la mort car on ne connaît pas encore d'antidote), et les deux derniers dépeints qui portent le nom de ceux qui les ont trouvé, Pégase et Compound.

Rares sont les sujets qui arrivent, grâce au phénomène du rejet à se débarrasser de la maladie. Le plus souvent, un peu comme les lépreux qui étaient regroupés en colonie pour mieux les surveiller et les soigner, les porteurs de la maladie AMILCAR cherchent à se rencontrer et forment même une communauté portant le nom de "CERCLE PEGASE AMILCAR"...

En dehors de l'altération du jugement, les autres signes sont assez discrets et se traduisent par une déformation du langage qui élimine pas mal de mots courants pour les remplacer par ceux tels que : arbre à cames, soupapes, roue rudge, culasse ricardo, caisse bordino, sautevent, places décalées etc...

Bien souvent, le malade est rarement seul, il contamine vite son entourage et surtout sa compagne, qui rapidement, elle aussi modifie son langage en employant des mots tels que : combinaison, serre-tête, lunettes, cambouis salissant etc...

Et tels les croyants qui vont à la Mecque ou à Lourdes, les porteurs du Virus AMILCAR se rendent en caravane tous les ans en un lieu de pèlerinage différent (ceci afin d'éviter les risques de contagion).

Diagnostic...

Il est facile. Demandez à un porteur du Virus AMILCAR ce qu'il pense de SALMSON par exemple ou de BUGATTI, et vous le verrez devenir tout rouge, ses yeux vont lui sortir de la tête et il va proférer des mots incompréhensibles (que seuls les porteurs du Virus peuvent comprendre). Ils sont rares, parce que relativement peu atteints, ceux qui ne se fâchent pas, certains vont même jusqu'à se laisser aller à la contamination par d'autres germes tels que BUGATTI. Pour ma part, j'ai dû être contaminé de manière répétée par différents Virus du genre PEUGEOT, CITROËN, FIAT, ZEDEL, et je ne m'en porte pas plus mal (quoique selon certains, il en resterait quelque chose).

Traitement..

C'est la partie la plus difficile, cette Amilcarinite vous colle à la peau. Un isolement prolongé ne sert à rien, si ce n'est à vous laisser le temps de perfectionner votre AMILCAR. Un vaccin est en cours de préparation, mais il semble peu efficace, car un porteur du type CGS fait une mutation vers le type C6 6 cylindres.

D'après l'Académie de Médecine, il semble, à l'heure actuelle souhaitable de laisser les malades porteurs du Virus AMILCAR vivre à leur gré, en souhaitant que la maladie finisse par épuiser sa virulence.

Docteur Hubert Leulier

Diplômé de Virologie, Spécialiste en Amilcarinite


Plus qu'une voiture, une Ambiance...

par Jacques POTHERAT

Ils n'étaient pourtant pas mauvais ces petits Amilcar, c'étaient même de très bons cyclecars, d'excellentes voiturettes, mais les Salmson devaient être meilleures. Si tant est qu'il n'existe de miracles nulle part, il ne s'en trouve encore moins en automobile...

Non pas une bombe, mais un pétard mouillé...

Pourtant le départ avait été pris, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour des roues Rudge, sur les "chapeaux de roues". Encore marquée de la tache originelle cyclecariste, avec une cylindrée voisine de 1100 cm3. et un poids inférieur à 350 kilos, on aurait dû avoir entre les mains une véritable petite "bombe". Ce n'était malheureusement qu'un pétard mouillé...

Un choix considérable de carrosseries séduisantes, constituaient en fait l'atout maître de la marque : beaux C.G.S. aérodynamiques, aux fausses allures de voitures de Grand Prix, plus vrais que nature ; carrosseries Skiff en bois exotiques, propres à faire rêver des tribus de pagayeurs sioux ; C.C. entoilés, fragiles les nacelles légères et graciles comme des cellules de Blériot ou d'Antoinette, fuselées comme des Zeppelin. Tout ces modèles étaient propres à décharger les inhibitions de leurs heureux propriétaires.

L'Amilcar, tape à l'oeil, c'était le grand "Bernard l'Hermite" de la gent cyclecariste, magnifique coquille abritant un ridicule insecte : le moteur.

De mécanique ? point, ou si peu... tout .juste un propulseur rudimentaire. Mais quel échappement !

Les techniciens de Salmson eurent à cœur, tout au long de leur carrière, d'ignorer les sciences subtiles et délicates de l'échappement. Faute de concilier judicieusement, tubulures, mégaphones et , décibels, leurs moteurs n'exhâlaient que cliquetis asthmatiques, bâillements à peine contenus, ou soupirs polis. La mélancolie de l'enfant trop bien élevé, éternellement sage, ennuyeux.

L'Amilcar s'annonçait de loin, cancre, m'as-tu vu, agressif, un tantinet frondeur. Une sonorité ronde, pleine, agressive, un pied de nez. . . On doublait "pied à la planche", la vanne de l'échappement libre ouverte à fond, gueulante. L'honorable et respectable père de famille, calé au fond de sa 'berline, recevait alors à pleine puissance, le coup de pied au cul d'une génération heureuse de vivre, ravie de ne pas avoir eu dix-huit ou vingt ans entre août 1914 et novembre 1918.

Il y avait aussi des amateurs pour les bananes de Joséphine Baker.

C'étaient les années réputées "folles", dont nous n'ignorons plus les sempiternels clichés : la "garçonne", Modigliani, dans sa soupente, se mourant dans les affres de la phtisie galopante, au milieu d'un Montparnasse indifférent (où il était déjà de bon ton de voir le tout-Paris s'afficher pour la plus grande joie et la prospérité des limonadiers). On allait volontiers s'encanailler à Pigalle, mais les vrais durs préféraient faire la loi sur les "fortifs". Paul Poiret rêvait de voir défiler dans ses trois péniches-ateliers de couture, toutes les houris de Mahomet. Pendant que son frère Raymond s'exhibait en péplum et spartiates, dans un Saint-Germain-des-Prés qui n'étaient pas encore la "poubelle à snobs", Isadora Duncan se pavanait en Amilcar sur la Promenade des Anglais, au côté de beaux jeunes gens soigneusement gominés au "Bakerfix" ; une vie trop courte pour une écharpe trop longue (re-cliché). . . De cette époque, les mythes nous abusent.

Incontestablement, le Salmson était le meilleur, hélas il portait en lui l'infinie tristesse du premier de la classe ; la sclérose des jeunes filles "bien pensantes" élevées dans les principes, ce je ne sais quoi qui n'incite guère au viol.

L'Amilcar était le plus beau, le plus désirable. Il faisait envie, et c'était suffisant. (Un peu quand même la Bugatti du pauvre, ou plutôt du pas tout à fait riche).

Il y avait en fait deux clientèles aux aspirations distinctes : l'une applaudissant sans réserve Joséphine Baker, ses négritudes, ses cocotiers et ses bananes ; l'autre déjà sensible au saxophone du jeune Sydnet Bechet.

L'Infâme chenille devenue papillon...

Nous allons voir comment une marque, née sous d'heureux auspices ne gagna qu'un nombre restreint des épreuves auxquelles elle prit part, s'abstenant même, vers la fin, de figurer en même temps que les Salmson sur une grille de départ !

Les premières compétitions se déroulaient entre gens du meilleur monde, la victoire pour Salmson, la deuxième place pour Amilcar, on "remettait ça" dans l'ordre inverse à la prochaine occasion, la première place pour Amilcar et la deuxième pour Salmson, et ainsi de suite. . . pour le plus grand plaisir des pilotes, des clients et des commanditaires. Si d'aventure un outsider (E.H.P, Sénéchal, Mourre ou autres Mauve . . . ) venait troubler cette belle ordonnance, réputée immuable, on devait cet évènement à une panne immobilisant l'une des deux équipes rivales, voire les deux à la fois. Tout aurait pu durer ainsi éternellement, si... si l'infâme chenille n'était devenue papillon.

Emile Petit, sans doute lassé d'une clientèle d'anciens combattants nostalgiques, se fiant aveuglément à une réputation acquise par Salmson au temps où ses pilotes se distinguaient dans un ciel de gloire, décida enfin de construire un vrai moteur. Pas n'importe quoi, non, un "double arbre", un vrai, un chouette, avec soupapes desmodromiques, bielles légères, et même, pour les raffinés, un compresseur, un vilebrequin à rouleaux et un double allumage. On allait montrer ce dont on était capable...

Pégase en avait un coup dans l'aile.

Du côté de la rue du Chemin Vert, avec un moteur "tristement teuf-teuf et latéral", on se préparait un avenir de larmes de sang.

Casse, Goutte, Bueno ou Desvaux, et bien d'autres encore, devinrent des noms vite familiers du service course Amilcar ; ils figuraient en tête du palmarès de chaque manifestation, au Ventoux, au Grand Prix des Cyclecars, au Bol d'Or et même hors de nos frontières, à Brooklands ou Saint-Sébastien.

Au début, on essaya bien de résister, de relever le gant, en appuyant un peu plus sur l'accélérateur et un peu moins sur les freins, on prit plus de risques. On alla même jusqu'à soigner la présentation publique, ainsi au Bol d'Or 1925, on aligna trois voitures peintes, l'une en bleu, l'autre en blanc, et la troisième en rouge. Peine perdue, Salmson était toujours en tête !

De courses de côte de seconde ou troisième catégorie en fêtes et réjouissances villageoises, meetings de sous-préfecture ou de chef-lieu de canton, l'équipe Amilcar en arriva à ne plus oser sortir. La mine piteuse, réduits à suivre l'événement à travers la presse, Morel et les deux frères Mestivier devaient certainement envoyer le coursier au kiosque du coin de peur d'être reconnus....

Les ventes cependant ne marchaient pas trop mal, des Amilcar on en achetait encore suffisamment. Pour aller promener sa petite amie sur les bords de la Marne ou dans les bois de Saint Cucufa, ou en trouver une en jouant les sportifs aux terrasses de Montparnasse à grands coups d'échappement libre. Les pères fortunés offraient de beaux C.G.S. longs comme des havanes, aux jeunes gens méritants et boutonneux, élèves de Louis le Grand, Janson où Stanislas. Où en achetait pour aller en famille, le dimanche, planter des radis à Maisons-Laffitte ou porter une azalée à la grand'tante de Becon-les-Bruyères.

Pour courir, bien entendu, personne n'en voulait plus, Pégase en avait un coup dans l'aile.

Sur la nappe d'une brasserie...

A la fin de 1924, devant l'ampleur du désastre, la résistance s'organise activement, sous l'égide du Conseil d'Administration de la Société Amilcar. En étroite collaboration, l'ingénieur "maison" Edmond Moyet, Morel et Mestivier, noircissent des rames de papier à longueur de journée. (André Morel et Edmond Moyet étaient en fait les fondateurs ou plutôt les créateurs d'Amilcar. Leur association naquit d'une rencontre en 1920 au restaurant Exelsior, rendez-vous du gotha de la Porte Maillot. A la fin du repas particulièrement bien arrosé, sur la nappe copieusement recouverte de crayonnages, on pouvait discerner les grandes lignes du futur cyclecar). Revenons donc à notre triumvirat, qui, s'inspirant de la 12 cylindres Delage du Grand Prix de l'A.C.F., donna naissance à une petite merveille, synthèse de ce qui se faisait de mieux alors en matière de technique automobile : 1100 cc., 6 cylindres, double arbre et compresseur. La cylindrée avait été choisie pour courir en "voiturettes" la formule Grand Prix ayant été ramenée à 1500 cc. pour la saison à courir.

Le prototype tentait ses premiers pas à la fin de l'été 1925, tournant à la moyenne de 95 kilomètres dans la dernière heure. André Morel et Edmond Moyet eurent alors une pensée pour Marius Mestivier, qui avait trouvé la mort aux 24 Heures du Mans (Morel et Mestivier faisaient équipe l'accident se produisit aux premières heures de la nuit).

Les experts et la presse spécialisée, accueillirent avec enthousiasme la nouvelle venue. Parmi les épithètes variées, métaphores et périphrases diverses, on pouvait relever fréquemment "Grand Prix en réduction" ou "petite Delage", ce qui est un compliment ; néanmoins elle s'affirma comme ayant son caractère propre et ne devant rien à personne. Charles Faroux, le grand journaliste automobile, fit paraître dans "L'Auto" du 11 novembre, un article dithyrambique, peut être avait-il été sensible au banquet offert par la marque. C'est un chef-d'œuvre de louanges et de coups d'encensoirs.

Pour parvenir au but, il faut beaucoup de courage.

Enfin, un beau jour de novembre on sortit la remorque, et l'équipe prit la direction de Gometz-le-Chatel. Ce n'était qu'une course de côte, mais pour un début, il convenait d'être modeste dans ses ambitions. Pour parvenir au but il faut beaucoup de courage, Amilcariste échaudé craint l'eau froide... On ne fut évidemment pas encore premier, mais cependant on se fit remarquer avec une troisième place derrière la 12 cylindres Delage et une 1500 ce. Talbot ; c'est quand même pas mal.

Retour dans l'enthousiasme, suivit de bien d'autres, l'avenir s'annonçait sous un jour nouveau. Bref, on allait enfin pouvoir se marrer un peu. C'était maintenant au tour de Morel et de ses petits copains, de se taper sur les cuisses en voyant arriver l'équipe Salmson sur le terrain. Celle-ci ne nourrissait plus guère d'illusions, par manque de préparation le 8 cylindres queue attendait comme le Messie, ne valant guère que le poids du métal le constituant. L'aluminium, bien que très prisé, ne pèse pas beaucoup dans la balance d'un ferrailleur (si généreux soit-il, et c'est rare).

Génération spontanée, multiplications chienliteuses...

Bien malin qui osera affirmer, en se piquant d'infaillibilité quasi pontificale, combien il y eut exactement de 6 cylindres construites.

La cause est entendue, il y a les voitures "d'usine" et les "mulets", pas nécessairement les meilleures, ni les plus belles. Démontées et remontées sans cesse, elles finirent entre les mains de clients plus ou moins fortunés qui à leur tour les démontèrent et ne les remontèrent pas toutes... On en connaît dans certains "Pompéï de l'automobile", en pièces détachées depuis plus de trente ans, et couvées jalousement par des "pilotes-momies".

Il y a celles que les amateurs de l'époque achetèrent neuves, pour la plupart livrées avec des moteurs à paliers lisses, elles connurent des fortunes diverses. Les mieux loties furent nanties de moteurs à rouleaux, cependant la plupart d'entre elles ont été l'objet de viol à main armée, de proliférations chienliteuses : 4 cylindres latéral, quand ce n'est pas une mécanique de Simca 8, de Traction-avant ou d'Aronde. Un sort, une fin de prolétaire (le premier qui rigole, je lui susurre dans le creux de l'oreille, pas discrètement, l'adresse de leur cachette. De toute façon c'est le secret de Polichinelle ... ). Le ciel nous préserve à jamais de "l'amateur", l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Enfin, il y a la génération spontanée. N'ayant jamais vu le jour à Saint-Denis, elles sont le fruit du travail acharné, d'amateurs enthousiastes se livrant à un labeur d'enthomologistes Bénédictins. Ainsi le stock de châssis, moteurs et pièces neuves de Vernon Ball et Bone & Porter, fut racheté par Geoff et J.B. Lyndhurst qui mirent gaillardement en chantier leur troisième voiture, (quant aux deux autres, elles marchent fort).

Ouvrons une parenthèse. Toujours de l'autre côté de la Manche, il nous faut mentionner la Ridley Spécial de Lord Ridley. Il employa ses heures d'oisiveté et les revenus que lui procuraient son titre à la construction d'un moteur 746 ce. Monté sur un châssis de 6 cylindres, il battit quelques records dans sa classe jusqu'à ce qu'un accident vienne mettre fin à la carrière du pilote et de la machine. Passons sous silence, dans le même ordre d'idée,, la Crommard Spécial.

La meilleur part, presque celle du lion.

Une grande carrière commençait pour la petite Amilcar, qui se poursuivra jusqu'à la guerre. On avait viré à coups de "pompes" les fées Carabosses qui auraient pu se pencher sur son berceau.

Bref, c'était parti.

D'origines diverses, pilotes chevronnés rescapés d'une préhistoire de l'automobile encore proche, amateurs de grand talent ou ténors confirmés du volant, Morel, Scaron, Moriceau, de Gavardie, Duray, Pousse ou Martin, grandirent avec la marque.

Que ce soit en course de côte au Val Suzon, à Gometz-le-Chatel ou Gaillon, en circuit routier comme aux Routes Pavées, la coupe de l'Armistice, sur piste Nlontlhéry, Miramas, dans les épreuves de longue durée, les 24 Heures ou le Bol, la 6 cylindres s'était rapidement hissée au rang des meilleurs, pas la part du lion, mais presque.

La faculté d'adaptation du véhicule était impressionnante, avec ailes ou sans ailes, monoplace ou biplace, le châssis était capable de s'aligner, avec chances, au départ de n'importe quelle épreuve.

Morel et Duray étaient les spécialistes des épreuves de longue haleine, et des records (pour la première fois le cap de 200 km/h. est franchi par une 1100 ce. à Arpajon). De Gavardie s'illustra au Bol d'Or. Moriceau alla porter la bonne parole à Indianapolis 1929. A cette occasion, une 1262 ce. à compresseur fut construite et engagée sous le nom de Thomson Produet Spécial. Un accident se produisit après quelques 90 miles, et il ne reste aux américains rien moins qu'un souvenir imprécis de cet évènement.

De toute façon un coup d'oeil au palmarès de la marque, remplace avantageusement tout long bavardage.

Ménie Grégoire consolera vos désillusions.

Il en reste encore beaucoup, on ne peut les compter sur les deux mains, il y a trop de voitures et pas assez de doigts. Vous ne les avez jamais vues ? (ce n'est guère étonnant, à part quatre ou cinq d'entre elles, aucune n'est en état de rouler (même sur une remorque).

là encore, si vous m'envoyez une jolie carte postale parfumée, ou une photo de votre grande soeur, je vous indiquerai leur adresse. Après vous pourrez avoir tout le loisir de téléphoner à Ménie Grégoire pour queIle apporte un remède à votre désarroi, console votre désillusions vous conseille un psychiatre.

Enfin pour résumer brièvement cette voiture, on peut dire sans la déprécier que c'est à juste titre une "voiture de course populaires".

Plus robuste qu'une Bugatti, moins Artistique peut être, elle était née de la logiqe simple du forgeron gaulois et non de l'éclair de génie du gentleman-bricoleur Milanais


Jacques Potherat

Mieux qu'une Bugatti...

Par Schiff

La perte de tout sens critique est l'une des caractéristiques essentielles des sujets atteints d'Amilcarinite.Toutefois, il arrive que certains d'entre eux, au prix d'un effort surhumain, parviennent à critiquer d'un œil presque lucide leur attitude, celle de leurs congénères voire même à juger sereinement le principal facteur de propagation du virus : l'Amilcar. Témoin cette analyse signée d'un fidèle à la marque après quarante ans d’utilisation intensive.

Le quatre cylindres Amilcar de 1.100 cc attelé à un demi châssis supportant une caisse élémentaire fait pâle figure à côté du rival de son époque le Salmson à arbre à cames en tête.  Soupapes latérales, longue course et bielles rachitiques, vilebrequin livré à lui-même entre deux paliers seulement, graissage par barbotage sur les premiers modèles (dépourvus de freins avant), le moteur semble avoir été conçu pour inquiéter son propriétaire.  Et si un inconscient devait prendre le volant, la mauvaise volonté du système de refroidissement - ni pompe à eau ni ventilateur - aurait vite fait de lui donner des vapeurs (au propre comme au figuré).

L'embrayage n'a jamais pu choisir entre le patinage et le matraquage de la boîte de vitesses. Les freins ne sont jamais aussi bons que sur la voiture qui précède dans la file.  La tenue de route est «sensationnelle» pour le spectateur assistant aux glissades et aux écarts imprévus, bien à l'abri d'une solide protection. Le conducteur, quant à lui, ne peut ignorer que seule une prudence de sioux pourra parer à la souplesse du châssis et à l'absence de différentiel.  A l'époque les ponts auto bloquants n'étaient guère connus mais les ponts «auto-glissants» étaient moins chers que le différentiel.

Réglons une fois pour toutes la question des performances. Légendaires, à proprement parler. Les aveux d'impuissance sont pourtant rares parmi les Amilcaristes qui auraient bien tort, avouons-le de faire perdre la face à la marque.  C'est pourquoi il vaut la peine d'épingler cet appel au secours, ingénument iconoclaste, publié par un propriétaire anglais malheureux : «J'ai toujours cru, que les CGSS (châssis grand sport surbaissé) étaient vendues avec une vitesse garantie de 75 miles à l'heure.  A cette époque, il n'y avait certes pas de contrôle de la publicité, mais tout de même : pourquoi m'est-il impossible de dépasser 65 miles à l'heure en descente, avec vent arrière ? Quelqu'un possède-t--il une CGSS capable d'atteindre les 75 miles à l'heure promis ?».

L'auteur de cet appel angoissé perd sans doute de vue que ce qui compte en Amilcar, c'est «l'impression d'aller vite». L'Amilcar n'est pas de l'automobile ordinaire.  La carrosserie toujours un peu juste, serre sous le bras droit.  Le coude qui forme un aileron naturel prend la température de la campagne. Des filets d'air frais agacent le cou du conducteur, mais à la moindre côte une chaleur d'étuve monte de dessous le tableau de bord.  Leviers de frein et de changement de vitesse s'emberlificotent dans le bas du pantalon.

Encore heureux que le constructeur ait prévu d'installer le passager quelque peu en arrière. Dans cette position effacée, ses jambes ne sont pas plus encombrantes que ses commentaires étouffés par le bruit de la mécanique et de l'échappement.  On recommande d'ailleurs l'usage de la deuxième vitesse, particulièrement geignarde, pour dispenser de répondre aux remarques impertinentes.

Ainsi à l'abri de toute distraction, le contact est parfait avec la route et les éléments naturels.  On n'en est que plus à l'aise pour apprécier la souplesse d'un moteur dont certains tracteurs agricoles se régaleraient, pour jouir d'une maniabilité de scooter et surtout pour «prendre son pied» avec d'autres Amilcar.

Car là réside le fin du fin.  Plaisir d'Amilcar ne se prend que partagé avec des congénères.  Roue dans roue, le nez dans l'échappement de l'autre, la main et le pied gauche prêts à répondre par un changement  vitesse rapide aux changements d'allure du peloton.

Et c’est alors qu’on comprend ce qui a fait la réputation inusable de la marque, en compétition et ailleurs.  Rien ne prédestinait ce moteur sur papier un peu primaire, à se mesurer avec plus modernes que lui. Pourtant, il a du couple à revendre, et il ne demande qu’à monter dans les tours. On découvre qu’un châssis peut bien se tordre un peu, pourvu qu’il soit léger,  et que, tous comptes faits, si on sait les régler correctement, les freins sont largement suffisants. D’ailleurs, dans les épingles à cheveux, à condition de savoir le manier, le pont sans différentiel ralentira plus qu’il n’en faut.

La Bugatti du pauvre? Que demander de plus ?

Schiff


L'Amilcarinite aiguë

ou Maladie des gens décalés

Par Gilles Fournier

En marge du 1er Symposium International sur l'Amilcarinite, j'aimerais vous entretenir d'une maladie de plus en plus fréquente : "l'Amilcarinite aiguë" ou "Maladie des gens décalés".

Cette affection (grave dans la mesure où dans l'état actuel de nos connaissances il n'existe pas de traitement spécifique) a été décrite pour la première fois dans les années 20 par l'éminent professeur Bordino. Depuis quelques années on assiste à une recrudescence importante de l'épidémie.

Voici une description simplifiée de la maladie :

L'Amilcarinite aiguë atteint le sujet de tout age (après l'obtention de son permis de conduire) et de toute catégorie socioculturelle : de l'avocat (que je ne dénoncerai pas) au fonctionnaire de l'EDF (que vous connaissez bien) en passant par le Stewart d'Air France et le boulanger parisien.

1/ L'agent pathogène

Il s'agit d'un virus : l'Amilcarus-Pégasus, de la famille des "Cyclecarus", étudié en 1921 par le célèbre entomologiste Charles Duval. C'est une petite bestiole haute sur pattes, un peu dégingandée, au corps fusiforme, à l'empattement court, au métabolisme tristement latéral. Ses ai1es ("papillon", gouttière, en "hélice", etc) permettent de distinguer plusieurs sous-groupes. Mais c'est la forme de sa pointe (par laquelle semble être inoculé le venin) qui est caractéristique de la bébête.

Sur le plan sexuel, les performances de l'Amilcarus-Pégasus sont souvent exagérées; on peut seulement affirmer qu'elles dépendent étroitement de la longueur des rapports du couple.

2/ L'incubation de la maladie

Elle est relativement courte et même le plus souvent foudroyante. Plus l'incubation est courte, plus virulente est la maladie.

3/ Le malade et sa maladie

Le malade atteint d'Amilcarinite Aiguë présente un dédoublement de la personnalité diffici1e à individualiser dans la vie courante, il devient parfaitement reconnaissable lors des poussées de la ma1adie. On le voit alors se réunir dans un élan grégaire avec d'autres Amilcaristes, pour constituer un genre de secte au comportement difficile à saisir pour un profane.

Affublés de cagoules ou de casquettes, vêtus d'une combinaison blanche, une clef de 10 dans une main, un verre dans l'autre, les membres se rassemblent autour de certaines phrases rituelles :

"Amilcar un jour, Amilcar toujours"

"Quand Salmson passe, Amilcar dépasse"

Un rite initiatique est souvent répété "Niveau... Contact... Moteur... Santé (et vidange)".

La maladie évolue par poussées successives et par épidémies. On se rappelle tout particulièrement de celles de Villefranche ( e n Beaujolais) de 1983, Montreux 1984 et Limoges 1985. Les spécialistes de la question prévoient une très grosse épidémie dans la région de Tarascon en Mai 1986.

4/ Les différentes formes de la maladie

A côté de la forme classique, on distingue quelques formes cliniques particulières, entre autres :

L'Archibaldite, nous n'en connaissons qu'un cas

La Bidouillite semble de plus en plus fréquente.

5/ Les maladies voisines à ne pas confondre avec l'AMILCARINITE

On les regroupe sous le nom de "Cyclecarinites. La plus connue est la Salmsonite dont les malades sont complètement culbutés.

6/ Evolution de la maladie

L'évolution insidieuse se poursuit inéxorablement. Nous connaissons au moins deux cas de malades ayant dépassés l'âge de 70 ans et qui en sont sérieusement atteint. La contagiosité de la maladie est extrême, expliquant son développement actuel. On signale quelques cas d'Amilcarisme se doublant d'un Bugâttisme associé. Aucun cas de Sidamilcarinite n'a encore été dévoilé.

7/ A l'étranger

L'Amilcarinite Aiguë revêt les mêmes caractères. La traduction du mot Amilcarinite varie d'un pays à l'autre :

Kaiserinite en Allemagne

Peacockite en Angleterre

Kerstenite en Hollande

De Deurwaerderite en Belgique

De Boerite en Suisse.

8/ Le Traitement

Heureusement il n'y en a pas pour l'instant ! , d'ailleurs les malades refusent toute thérapeutique et semblent vivre en bonne harmonie avec leur virus.

Même les sujets contaminés par le Bugâttisme conservent les symptômes classiques de l'Amilcarinite. Le traitement à l'huile de Ricin semble au contraire accentuer les symptômes.

Gilles Fournier / Rétromobile 1986


Comment ne pas devenir cinglé en restaurant une Amilcar... 

ou les trente huit commandements Amilcaristes

John Rudd

English version

La très intéressante revue de l'Amilcar Register britannique n'a pas attendu Internet pour se mettre à l’heure de la mondialisation. Un nombre respectable d’Amilcar ayant été vendu en Australie dans les années vingt, c’est à l’autre bout du monde qu’ont été écrits ces conseils de restauration d’un fidèle australien de la marque. Et pour ne pas bouder notre époque, c’est en moins d’une heure que John Rudd, l’auteur de ces conseils nous a donné, par email, son accord pour que le Cercle Pégase Amilcar en publie une traduction en français.

Il se dégage en effet de ces réflexions, outre quelques conseils d’ordre mécanique, une philosophie très « club » (le terme est d’ailleurs britannique) dont le Vieux Continent pourrait parfois s’inspirer.

Le texte complet et original de John Rudd figure dans le numéro 60 (août 2000) de la Newsletter de l’Amilcar Register.

J’ai déjà écrit par ailleurs les plaisirs que m’ont apportés mes expériences d’Amilcar, écrit John Rudd. Mais cette fois je souhaite partager quelques bribes d’informations que j’ai pu glaner en route.

(NdT : la rareté relative de la visserie en 7 mm, très courante en Amilcar, semble être devenue une hantise pour les Anglo-saxons. Ne sourions pas. Il y a quelques années cette mesure avait pratiquement disparu des commerces de quincaillerie. Elle est redevenue courante chez les accessoiristes automobiles).

(NdT Compris le message. Je vais déplacer le levier Bowden qui me déchire le pantalon à hauteur du genou droit. Encore que l’avance fixe, bien règlée, évite des erreurs de manipulation en route préjudiciables au moteur).

Les gens de la moto sont également compétents pour tout ce qui concerne les magnétos, robinets et raccords d’essence.

Magneto coupée, essence ouverte, titiller le carburateur, étrangleur fermé, deux tours de manivelle ou deux petits coups de démarreur

Magnéto branchée, étrangleur ouvert, tirez la manivelle vers le haut ou pressez le démarreur et Vroum ! ! ! Ca marche à tous les coups. Et encore une fois merci à Len Jenkins. Un autre bond en avant.

(NdT : en tirant la manivelle n’oubliez pas de ranger votre pouce à côté des quatre autres doigts. Vous économiserez des frais médicaux en cas de retour de manivelle…)

Les pignons de direction ont tendance à découper un petit tunnel dans la graisse et ils finissent par ne plus être lubrifiés. Mais l’huile retombe sur la vis sans fin lorsqu’elle tourne et elle est assez épaisse pour ne pas fuir par les paliers.

(Note de Desmond Peackok : Castrol fabrique également une graisse retombante que j’essaye dans le CC).

Ma CGS roulait bien jusqu’à environ 65/70 km/h mais au delà de cette vitesse le bruit et les vibrations empêchaient de dépasser 80 km/H. Je me suis aperçu de l’origine de ces ennuis en coupant le moteur dans une descente.

En démontant la transmission j’ai trouvé près d’un millimètre de jeu entre l’écrou et la tulipe. En ramenant ce jeu à 0,15 mm la voiture était transformée.

Tout cela a l’air plein de bon sens, mais depuis 30 ans que je lis le Newsletter je n’ai jamais rencontré la moindre allusion à ce problème.

(NdT : You are right John. I made the same experience and noticed the same silence in the club’s literature…)

(NdT : pourquoi faire des rallonges si on n’en a pas besoin ? John Rudd attend il des lecteurs du Newsletter qu’ils aillent en Australie graisser sa voiture ? It’s far away John.)

John Rudd

(traduction : Schiff.)


How not to drive yourself bonkers restoring an Amilcar.

John Rudd

I've written elsewhere about the joys of my Amilcar experiences. But this time I want to share some of the shreds of information I've gleaned along the way.

So some of what you're about to read might be paralysingly obvious or seriously boring. Then again, it might just be some help.

So here goes: